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Où va la Tunisie ? Trois scénarios pour l’avenir


Les évènements de la place Mohamed Ali représentent sans doute un tournant dans l'histoire immédiate de la Tunisie. Ils surviennent à peine quelques jours après ceux de Siliana où le gouvernement d'Ennahdha a durement réprimé un soulèvement populaire contre l'autisme du pouvoir en place. Tout cela intervient dans un contexte où l'économie se dégrade dangereusement, le pays glisse lentement vers la violence et le peuple est en état de dépression permanente. Le gouvernement de la Troïka, plus que jamais recroquevillé sur lui-même, est ultra dominé par une Ennahdha encore enivrée par le pouvoir qu'elle n'est visiblement pas prête à lâcher dans le cadre d'élections. Elle ne semble pas non plus consciente de la gravité des problèmes dans lesquels s'enfonce le pays jour après jour.
Mais où va la Tunisie ? Trois scénarios se dessinent.
Le chaos
Si la politique de la terre brûlée que semblent privilégier certains leaders d'Ennahdha s'impose, le pays risque d'être gagné par une violence généralisée qui le mènera droit vers le chaos. Après les salafistes qui ont terrorisé la population dans l'impunité totale. Voici qu'Ennahdha donne carte blanche pour sévir aux "Ligues de protection de la révolution". En fait la milice armée du mouvement islamiste. D'abord pour empêcher, toujours impunément, toute manifestation d'opposition au régime en place (meetings de Nidaa Tounes, du front populaire..., manifestations de démunis, chômeurs, contestation populaire...). Mais aussi, de manière préventive ou dans le cadre d'expéditions punitives, pour régler leur compte aux adversaires politiques en les châtiant par la violence et dans la violence. Contrairement à ce que l'on puisse penser, le "lâcher de milices" d'Ennahdha n'est pas erratique. Cette tactique est mûrement réfléchie et procède de ce que l'ex-perspectiviste Tahar Ben Hassine appelle chez Ghannouchi la politique de la "libération de l'initiative" (تحرير المبادرة). Tactique déjà utilisée à la fin du règne de Bourguiba. A l'époque, Ennahdha cherchait à profiter du déclin de l'Etat en menant des attentats sanglants et des attaques à l'acide chlorhydrique sur la population. Cette tactique a échoué dans les années 80 malgré un État faible. Et Tahar Ben Hassine lui prédit la même issue aujourd'hui car Ghannouchi croit à tort qu'il a la totalité de l'appareil de l'Etat entre ses mains. Et même si le peuple tunisien souffrira, Ben Hassine est sûr qu'il finira par mettre en échec les dessins du chef nahdhaoui.
Ceci étant, Ennahdha, si elle a déjà choisi cette option, cherche à installer le trouble permanent pour gouverner par la peur et la violence. Objectif : aller vers des élections viciées dont les règles auront été préalablement imposées par la force, qui seront tenues dans un climat de peur suscitant un abstentionnisme important et qui permettront en définitive aux islamistes d'achever leur projet de hold up"démocratique" sur le pouvoir.
La recherche de consensus
Le consensus semble s'éloigner. Malgré les événements sanglants de Siliana et de la place Mohamed Ali et l'escalade qui les a précédés avec toutes les attaques et agressions menées contre des partis et des membres de la société civile. Malgré les pressions incessantes de la Troïka de l'opposition pour fixer une feuille de route claire et définitive pour la suite de la transition démocratique. Ennahdha s'isole dans un autisme politique inquiétant. Et ses deux alliés, le CPR et Ettakattol, ne semblent pas vouloir la raisonner. Sans doute parce que des critiques trop acerbes à l'endroit de leur "protecteur" compromettront définitivement leur survie politique, intimement liée à une allégeance sans limites envers Ennahdha. Et l'on se demande ce qui se passe réellement à l'intérieur du mouvement islamiste. Si les "modérés" ont systématiquement choisi la ligne de Ghannouchi, loyauté sectaire oblige. Ou s'ils sont marginalisés et leurs voix devenues inaudibles. A moins que les divisions soient telles à Ennahdha que la confusion règne. Auquel cas, la situation est d'une gravité extrême car les conséquences des (dés)équilibres internes à ce mouvement sont systématiques sur la stabilité du pays.
Mais le consensus demeure possible. Et c'est probablement même la seule porte de sortie à cette crise aiguë. Si la pression engendrée par les conséquences de l'affrontement maladroitement choisi avec l'UGTT par Ennahdha tourne à l'avantage de la première qui fixerait comme principaux préalables à l'annulation de la grève générale du 13 décembre prochain, le déblocage total du processus de transition démocratique avec une feuille de route lisible, la dissolution pure et simple de la "Ligue de protection de la révolution" et la neutralité du ministère de l'intérieur. Béji Caid Essebsi possède aussi plus d'une corde à son arc. Et attend probablement son heure. Il ne faut pas non plus négliger la capacité de pression des partenaires étrangers de la Tunisie, les Etats-Unis en tête. Très liée à l'évolution de la situation dans les pays du "printemps arabe", surtout en Egypte. Mais aussi à l'agenda étasunien au Maghreb, en particulier en Algérie.
L'armée siffle la fin de la partie ou "le coup d'Etat déguisé" ?
L'armée demeure étrangement muette même si les leaders politiques savent intimement qu'elle ne "lâchera" pas la République. Si un coup d'Etat "à l'ancienne" n'est plus envisageable, le leadership de l'armée a sans doute son mot à dire. Et il a probablement fait savoir dans les coulisses que la grande muette ne laissera pas s'installer une autre dictature dans le pays. L'armée entrera-t-elle dans le jeu ? Attendra-t-elle un pourrissement de la situation pour intervenir, d'une manière ou d'une autre, pour "siffler la fin de la partie" ? Et, dans un scénario extrême, "imposer" par la coercition une "transition démocratique forcée" ? Quelle est sa vraie marge de manœuvre ? Son action sera-t-elle acceptée par le peuple? Par Ennahdha et ses alliés ? Est-elle souhaitée par les démocrates (ou du moins certains d'entre-eux) ? Si l'armée intervient, cela signifiera-t-il un adieu définitif à la démocratie et le retour de la dictature ? Cette fois-ci franchement militaire.
Tous ces scénarii sont possibles sans être exclusifs les uns des autres. Cela veut dire qu'ils pourraient tous se réaliser par étapes. Voire s’enchevêtrer Nous pouvons passer par une phase de chaos puis revenir à la raison et au consensus tout en étant sous la menace d'un coup d'Etat qui plane sur tout le monde comme une épée de Damoclès.
Les prochaines semaines, voire les prochains jours, contribueront à dessiner l'avenir de la Tunisie. Ils nous diront si une transition démocratique est toujours possible dans le pays qui a enfanté la révolution arabe du 21ème siècle.
Crédit photo : Tixup.com
Webdo, le 5 décembre 2012

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